Chroniques bordelaises

Au bord de l’eau

Une exposition aux Archives de Bordeaux Métropole nous retrace l’histoire de l’eau bordelaise au fil des siècles. Au début du 18e siècle, Bordeaux était sale. Les immondices jetés dans les rues. On ne se lavait pas. On ne savait pas nager. Où étaient les thermes d’antan, c’est-à-dire du temps des Romains ? Et les étuves du Moyen-âge, où l’on allait, toutes conditions sociales mêlées, tuer le poux et la puce ennemis du corps ?

Vue de la Garonne prise sous le quai de la Bourse, vers 1821-1823. Aquarelle et gouache de Louis Garneray (1783-1857) – Bordeaux Fi XL B 799 © Archives Bordeaux Métropole

Plouf.
En fait, c’était toute la France qui était devenue sale depuis le règne de Louis XIII. Les médecins avaient estimé que les pores de la peau s’ouvraient dangereusement lorsque celle-ci se mouillait. Et le vice était justement dans l’eau, dans l’air, dans le contact avec l’extérieur. Il entrait dans le corps et il le dévastait à la manière de Gengis Khan. On pratiquait donc le nettoyage du corps avec des chiffons et linges secs. On se changeait de vêtements dès qu’on le pouvait. Et si l’on était riche, on pouvait se parfumer.

Le retour à l’eau commencera en 1763. Avec les Bains du Chapeau Rouge ouverts en 1763. Dix ans plus tard, on inaugurera un second établissement, les Bains des Chartrons. D’autres suivront. Six jours de la semaine sont réservés aux hommes. Un seul jour pour les femmes… Au départ les Bains ne sont pas chauffés, tout un système de chaudière à charbon de bois sera mis en place. Des bains flottants s’installèrent le long de la Garonne. Ils serviront d’écoles de natation.

Le premier établissement de bainsdouches à bon marché, installé place Saint-Projet, date de 1908. Quant aux piscines, elles viendront plus tard. La piscine Judaïque en 1934. Mais il y avait déjà des baigneurs dans la Garonne. Avec près de cent noyés par an… Certains se mettaient tout nus. Cela créait des émois. Des dames et des jeunes filles les regardaient. Des lettres bien senties furent envoyées au maire de Bordeaux pour interdire cette décadence. L’une d’entre elles utilise une expression qui a disparu depuis l’invention de la douche et du Club Méditerranée : Ils étaient nus comme des porcs…et l’on réclamait des sanctions, de la surveillance, des règlements… Mais la tentation était trop forte. Certains plongeaient dans la Garonne comme on plonge de nos jours dans l’enfer du jeu..

Cette exposition est à la fois intéressante, très documentée, et mélancolique car elle nous rappelle tout un monde qui n’est pas si lointain, où l’eau, même si elle était partout, n’était pas utilisée en abondance comme de nos jours. Des oeuvres poétiques de l’artiste Laurent Valera nous rapprochent encore plus de cette conscience de l’eau, de ces perspectives éternelles sur cet élément qui est à la fois un plaisir et un rêve, un danger et un élément créateur de notre espèce humaine.

Repères : Parvis des Archives Bordeaux. archives.bordeaux-metropole.fr

Tram A. Station Jardin Botanique.